Cette fiche nous expose l’histoire du recouvrement des deux rivières lausannoises qui serpentent dans le tissu urbain de la ville. Ces deux rivières sont aujourd’hui peu visibles du fait de leur recouvrement dont la première étape a lieu en 1564 avant de reprendre en 1812 pour ne se terminer qu’en 1956. Nous allons retracer ici l’histoire du comblement de ces rivières dans des canalisations souterraines.
Lausanne est une ville traversée par deux rivières : la Louve et le Flon. La Louve prend sa source dans la commune de Lausanne, au sud du bois de Vernand-Dessus avant de descendre vers la ville. Le Flon est issu d’un réseau de sources dans la région du Jorat, aux Sept Fontaines, dans la forêt des Liaises située au nord d’Épalinges. Il marque d’abord la limite entre Epalinges et la commune de Lausanne puis passe au pied de la colline de Sauvabelin et descend vers la Sallaz avant d’être dérivé artificiellement vers le centre de la ville de Lausanne. Pour ce qui est de son nom, il est intéressant de remarquer qu’avant le XVIIe siècle, le Flon s’appelait le Laus. En latin, le suffixe -ona signifie eau : l’appellation Lausona signifie « l’eau du Laus » et sert à désigner la localité où la rivière se jetait dans le lac Léman. Sans pouvoir l’affirmer, il se pourrait que le Flon ait donné son nom à la ville de Lausanne.
Ces deux rivières coulent longtemps à ciel ouvert, traversant la ville en enserrant la colline de la cité pour se rejoindre à l’actuelle place Pépinet au centre de Lausanne. Mais au début du XIXe, décision est prise d’enterrer les deux cours d’eau. Il y a deux raisons pour cela : l’une est urbanistique et l’autre sanitaire. Pour saisir ces deux impératifs, il faut comprendre l’utilisation qui était faite de ces cours d’eau avant cela.
Depuis le XIVe siècle, la rivière de la vallée du Flon est exploitée par des tanneries ainsi que des scieries pour sa force hydraulique grâce à l’installation de moulins dans le cours d’eau. L’une des familles les plus prospères à utiliser le cours d’eau sont les Mercier, que l’on peut retrouver dans le jeu Lausanne 1830. Ces derniers participent d’ailleurs au comblement et à la transformation de la vallée du Flon ainsi qu’à la construction du funiculaire Lausanne-Ouchy. A l’aube de la révolution industrielle, le petit cours d’eau qui traverse le Flon se suffit plus pour répondre à la demande croissante des industries qui se développent à Lausanne. De ce fait, la canalisation et la couverture du Flon et de la Louve sous une voûte maçonnée ainsi que le comblement des vallées dans lesquelles elles coulent répond au besoin de remodeler la ville pour créer de nouveau espaces de construction et de vie urbaine. C’est ainsi le cas pour la première phase de recouvrement de la Louve entre 1812 et 1830, avec la création de la place de la Riponne. En 1829, la famille Mercier obtient l’autorisation de couvrir le Flon « en Saint-Martin » pour développer son entreprise de tannerie.
Mais les cours d’eau sont également longtemps utilisés comme des égouts à ciel ouvert, les habitants des trois collines historiques de la Cité, du Bourg et de Saint-Laurent se débarrassant de leurs déchets en les jetant de leurs fenêtres dans les deux rivières. Cette pratique rend les rivières propices au développement et à la propagation de maladies. Le recouvrement des rivières lausannoises procède donc également d’une volonté de prévention sanitaire. Cela coïncide également avec le fait qu’aux alentours de 1830, une épidémie de choléra touche l’Europe. Le recouvrement donne lieu au développement d’un système d’égouts moderne, résultat d’une évolution des sensibilités et des normes en matière de salubrité publique. Dans l’édition du 29 juin 1832 de la Gazette de Lausanne, on peut ainsi lire
« […] tant que le Flon ne sera pas voûté et converti en égout, les émanations qui s’élèvent de ce ruisseau infect, continueront à être la cause des épidémies qui, chaque année, occasionnent la mort d’un grand nombre d’habitans de Lausanne. Il est reconnu, en effet, que chaque année une épidémie de fièvres malignes ou nerveuses nait des émanations du Flon, s’étend sur toute la ville, et y occasionne des ravages. Si le Flon était voûté, Lausanne deviendrait une des villes les plus salubres de la Suisse, et les fièvres nerveuses et d’autres maladies épidémiques cesseraient d’y régner. »
On comprend donc que le recouvrement des rivières permet à la ville de développer un espace urbain salubre et moins vallonné, permettant le développement du commerce et de l’industrie ainsi qu’une vie urbaine sans maladies causées une rivière sale.
Tout au long du XIXe siècle, les travaux d’assainissement et de recouvrement des rivières continuent malgré quelques interruptions. Divers places émergent de ce processus, telle que la place Pépinet, la place du Tunnel ou encore celle de la Louve ainsi que des voies ferrées à la hauteur de Sévelin. C’est entre 1868 et 1871 que le dernier tronçon de rivière circulant à l’air libre dans le périmètre urbain disparait entre Pépinet et le Grand-Pont. Il est intéressant de savoir que le Grand-Pont est à l’origine construit avec deux étages d’arches telles que celles qui sont visibles aujourd’hui. C’est entre 1874 et 1876 que l’on opère au terrassement de l’étage inférieur des arches du Grand-Pont, parallèlement à la construction du funiculaire Lausanne-Ouchy, dont la gare supérieure du Flon est inaugurée en 1877.
Les travaux de recouvrement et d’assainissement des deux rivières s’étalent donc sur plus d’une centaine d’années : commencés en 1812 à la Riponne, ils ne sont terminés qu’en 1963 avec les dernières opérations de voûtage du Flon aux abords de la Sallaz.
En lien avec l’arrivée des épidémies de choléra et de la fièvre typhoïde, les autorités développent divers outils afin de les contenir. Cette source, disponible au Musée Historique de Lausanne, décrit le développement d’agents du service de santé, censés faire les recherches pour que les autorités puissent réagir efficacement face aux épidémies.
Les épidémies récurrentes qui frappent la ville, vont inciter les autorités, à partir du XIXe siècle, à prendre des mesures en matière de salubrité. En nouvelle recrudescence de la maladie en 1867, conduit à la création d’une commission technique d’assainissement. Celle-ci publie en 1868 ces instructions sur l’assainissement des habitations et des rues. Cette source propose notamment la création d’égouts, dont la construction ne sera terminée que lors de l’entre-deux-guerres.
Les épidémies récurrentes qui frappent la ville vont inciter les autorités, à partir du XIXe siècle, à prendre des mesures en matière de salubrité. En 1877, la fièvre typhoïde tue cinq habitants sur dix mille ce qui incite la ville à publier ce recueil de conseils d’hygiène afin de tenter de protéger la population de cette maladie.
KÜNZI Gilbert, KRAEGE Charles, Rivières romandes : A la source de leur nom, Bière, Cabédita, coll. « Archives vivantes », 1999.
Histoire de la famille Mercier : http://www.chateaumercier.ch/mercier/sites/mercier/FR/1/detail/page-famille-mercier
DUFOUR, Nicolas « Au long du Flon, dans les entrailles historiques de Lausanne », Le Temps [En ligne], samedi 1er août 2015,https://www.letemps.ch/suisse/long-flon-entrailles-historiques-lausanne.
« Lausanne, visite du voûtage du Flon » [archive], programme des journées européennes du patrimoine 2011, https://www.vd.ch/fileadmin/user_upload/themes/culture/patrimoine_bati/fichiers_pdf/JEP2011_Page_71.pdf.
Gazette de Lausanne, N°52, vendredi 29 juin 1832, https://www.letempsarchives.ch/page/GDL_1832_06_29/5/article/476007/29%20juin%201832.
Visite du Musée Historique de Lausanne.